Tout, ou presque, a déjà été dit sur Alien. Tout le monde, ou presque, a vu Alien. Et pourtant… pourtant il est là ce coffret poussiéreux, intégrale des six films achetée à un prix dérisoire lors des soldes il y a deux ans. Il trône fièrement sur mon bureau, parmi les autres, pièce maîtresse d'une pile qui s'élève vers le plafond, toujours à deux doigts de tomber.
À dire vrai, j'avais déjà vu le premier film après l'achat, et aussi content que j'avais pu l'être après le visionnage, je n'avais pas eu l'envie de continuer. L’œuvre se suffisait à elle-même je me disais, pas besoin d'en rajouter avec cinq autres films (surtout ce Alien Covenant vu par hasard au cinéma et qui m'avait laissé pantois. Disons-le simplement je n'avais rien compris). Mais vous vous en doutez, si je prend aujourd'hui ma plus belle plume, c'est bien parce que j'ai continué.
Bim, Bam, Boum
Ah. Un écran-titre : Aliens. Avec un S. Nous voilà prévenus. Exit la créature solitaire, Ellen Ripley doit désormais se farcir toute une armée de Xénomorphes (le nom scientifique) à grand coup de dollars engrangés par la franchise, de grenades et de fusils lasers. La mise en scène est plus spectaculaire, les décors plus vastes et imposants. Pour qui se rappelle de l'ambiance claustrophobe et sous tension du premier volet, le choc est rude.
Mais rembobinons quelques instants. Aux manettes de ce second opus sorti en 1986, James Cameron. Si à l'époque le réalisateur n'a pas encore accouché de ses deux plus gros succès commerciaux (Titanic et Avatar, respectivement en 1997 et 2009), il a néanmoins déjà travaillé avec John Carpenter sur New York 1997, a écrit Rambo 2, mais a surtout réalisé Terminator. Il est donc en pleine ascension, avec un enjeu de taille : prendre le relais de Ridley Scott, créateur de la franchise, avec pour objectif de la rendre pérenne.
Aliens reprend là où son prédécesseur nous avait laissés : Ripley, après son affrontement avec un Xénomorphe, dérive, seule et en stase, dans l'espace. Récupérée par un équipage spatial qui passait par là, elle va rapidement devoir s'expliquer. De la mort de son équipage, mais surtout de l'échec de sa mission et de la destruction volontaire de son vaisseau, synonyme d'une importante perte d'argent pour la compagnie qui l'emploie. On aime : la bureaucratie, avec ses longues discussions dans une salle blanche aseptisée, autour d'une table accaparée par des actionnaires véreux. Face à eux, une héroïne accusée d'avoir tout inventé puisqu'elle ne peut apporter aucune preuve tangible de ce qu'elle avance. Très lente et bavarde, cette première partie de film nous présente les conséquences du premier opus, tout en apportant de nombreux détails peu ou pas évoqués précédemment qui permettent d’approfondir notre connaissance de l'univers.
Pas de bol : le contact vient tout juste d’être rompu avec la colonie déployée sur la planète d’origine des aliens. À peine rentrée, notre héroïne doit repartir sur place en tant que consultante. Elle sera accompagnée dans sa quête d'une équipe de soldats surentraînés, dont le seul personnage féminin est, tenez-vous bien, une soldate garçon manqué porteuse d'un bandana (!).
C'est là que les embrouilles commencent et que le film sort l'artillerie lourde. Au premier abord, on regrette l'abondance de personnages (plus d'une dizaine), ce qui risque de rendre l'impact et l'investissement émotionnel moins fort que dans le premier volet. La tension monte, on sait pertinemment que les ennemis sont là mais bien cachés. Leur présence n'est confirmée qu'après plus d'une heure, sur les 2h40 que dure la version longue, lorsque l'on voit enfin notre premier Xénomorphe. L'occasion pour le film de se débarrasser petit à petit de son surplus de personnages, et laisser Ripley seule pour la dernière partie du film.
C’est là qu’elle apparaît. Car si Aliens a permis d'amener une approche différente, plus brute et grand spectacle à la franchise, il a aussi introduit l'un de ses personnages phares : la Reine Alien. Un personnage mythique dont la réputation n’est pas usurpée tant son apparition est terrifiante.
Pour les amateurs-trices de frissons bien réels, l’occasion est idéale pour mentionner que la maquette originale, restaurée esthétiquement et mécaniquement, est exposée à Lyon.
Au final, si la subtilité n'est clairement pas de mise pour ce nouveau volume, il démontre tout la volonté de bien-faire de James Cameron et sa compréhension de l'univers créé sept ans plus tôt par Ridley Scott. Le monsieur sait y faire en séquences d'action, si bien que plus de 30 ans après la sortie d’Aliens, celles-ci sont toujours aussi jubilatoires et lisibles, et on prend un plaisir monstre à voir Sigourney Weaver dézinguer des dizaines de Xénomorphes au lance-flamme.
Avec ce second long-métrage plus proche du film de guerre que du thriller de science-fiction, j'étais extrêmement intrigué par la vision que pouvait avoir David Fincher. C'est donc tout naturellement que j'ai inséré le troisième DVD dans le lecteur.
Attention derrière toi Ripley, c'est affreux !
Une fois encore, la saga raccroche les wagons et se poursuit là où le dernier film se terminait. Dès le générique, tout part en vrille. Une séquence d'ouverture épileptique et une mort hors-écran pour tous les personnages secondaires plus tard, Ripley se retrouve, encore, livrée à elle-même. Hormis que cette fois-ci, elle n'est pas vraiment seule : l'IA du vaisseau a eu le bon goût de faire s'écraser la capsule de secours sur une planète-prison qui abrite les pires criminels de la galaxie. Cinq minutes à peine, le décor est déjà posé.
Après la démonstration de puissance du précédent volet, Fincher choisit pour recréer un semblant de tension de nous placer sur cet astre perdu au fin fond de l'univers. Et bien que toute l'action se passe en intérieur, on sent à chaque plan les progrès technologiques (le film sort en 1992, six ans après le second), mais aussi l'augmentation considérable du budget, qui passe de 18 millions à 50 millions de dollars. La prison est rouillée, inhospitalière, crédible. Alors que son design général, lui, n'est pas particulièrement inspiré et renvoie à bon nombre d’œuvres de SF conçues avant ça. On peut heureusement compter sur le doigté du réalisateur, minutieux dans l'art de filmer l'organisation spatiale. Un talent qui se dessine, entre autres, dans cette séquence de course contre-la-montre dantesque, qui nous perd dans les tréfonds labyrinthiques de la prison, un xénomorphe à nos trousses.
Au premier abord, on pourrait penser qu'Alien 3 apporterait du sang neuf. Que la menace ne viendrait pas seulement de cette nouvelle race d'Alien-chien (dont la naissance est ici montrée frontalement, dans un montage alterné si cher à David Fincher) mais aussi de l'homme. Pendant un temps c'est le cas, et le danger semble rôder autour de notre héroïne, qui passe à deux doigts d'en subir les affres. Avant que l'on comprenne que tous ces prisonniers sont de fervents religieux et que le prêtre possède un véritable pouvoir d'influence sur eux. Si bien que Ripley devient rapidement, sans que quiconque remette son rôle en question, la meneuse de ce groupe lancé sur le chemin de la guerre. Le schéma se répète.
Pendant sa production chaotique, il fut un temps question que le projet soit confié à Vincent Ward, d'ailleurs toujours crédité au générique. Celui-ci voulait inclure de nombreuses inspirations médiévales, et surtout pousser au maximum la métaphore religieuse, avec un Alien considéré comme une représentation du diable, allant jusqu'à vouloir créer des Xénomorphes avec la tête de Sigourney Weaver… sur leurs fesses. Un pari risqué mais pour le moins original, qui sera jeté aux oubliettes lorsque le réalisateur de Gone Girl reprendra la main. Il reste malgré tout quelques brides d'idées ici et là, parfois appréciables, plus souvent utilisées comme prétextes pour faire avancer l'intrigue.
Au bout du compte, Alien 3 est un peu comme une boîte de raviolis réchauffée au micro-onde : efficace, elle comble notre faim tout en étant assez vite oubliable. Et pourtant, on a envie d’y revenir quand l'occasion se présente.
Dieu sait que j'ai de l'admiration pour David Fincher (et pour les raviolis). Sa vision du mythe de l'Alien est sans conteste bien différente des deux précédentes. Cela dit, à trop vouloir laisser de côté l'aspect horrifique (on comprend vite qu'Ellen Ripley ne court aucun danger) en nous plaçant dans un environnement entouré de personnages on ne peut plus classiques et pas toujours subtils, et en ignorant volontairement ce qui a servi la cause des films précédents, on peine, en tant que spectateur, à apprécier la saveur de cette histoire.
On arrive certes au terme d'une aventure. Avec une fin qui conclut de la seule façon logique, si ce n'est prévisible, ce chapitre de la saga. Ai-je passé de mauvaises heures devant ces trois long-métrages ? Non. Est-ce que tout est parfait dans le meilleur des mondes ? Non plus. Il n'empêche… en voyant ces films comme un tout : comment ne pas avoir de la tendresse et un amour immodéré pour ce qu'ils ont édifié. Pour cet héritage que l'on retrouve aujourd'hui partout dans le cinéma d’horreur. Combien ont tenté de concevoir une fable aussi immense et riche sans jamais y parvenir ? Ridley Scott lui-même s'y est cassé les dents.
Mais même si ces tentatives sont imparfaites, c'est elles qui font le cinéma et la beauté du genre, tordant, déformant ses codes, examinant, réinterrogeant le monde. Chacun s'inspirant de l'autre, pour que jamais ne meure la science-fiction.
Sur ce, je vous laisse : je dois aller passer un scanner j'ai l'impression que quelque chose bouge dans mon ventre.
Rémy