Les Nouvelles Aventures de Sabrina : un tutoriel
Comment s'ennuyer pendant 10 heures sans s'en rendre compte ?
Pour fêter la nouvelle année et à l’occasion de la saison finale des Nouvelles Aventures de Sabrina, quoi de mieux qu’offrir un article, revu et édité, que j’avais déjà publié quelque part sur Internet ? Rassurez-vous : personne, ou presque, ne l’a lu, et il est toujours d’actualité. Car par le plus grand des hasards (ou la flemme des scénaristes), tout ce que j’y avais écrit peut très bien s’appliquer aux saisons 2, 3 ou 4.
Et si vous voulez sauter la critique d’aujourd’hui, vous trouverez en fin de newsletter trois conseils : un livre, un film et un podcast.
Bonne lecture !
Après avoir sévi dans une série des années 90 devenue culte, Sabrina revient, et elle a bien changée. Adieu l’ambiance bonne enfant et les décors colorés : Netflix a fait un choix radical entre séances d’exorcisme, meurtres et démons médiocres. Un programme alléchant qui ne sert pourtant que de façade.
Trop jeune pour avoir connu la série originale ? Ou simplement trop occupé pour avoir pris le temps de la découvrir ? Force est de constater que quand, comme moi, on débarque ainsi en terrain inconnu, s’étale devant nous tout un univers alléchant et ses personnages.
C’est donc avec grand plaisir que je passe le premier épisode. Je jubile devant le second, j’enchaîne avec un troisième. Et finalement, sans m’en rendre compte, j’avale en trois jours les dix épisodes d’une heure qui constituent cette première saison.
J’en ressors avec une intense satisfaction.
L’heure des sorcières ?
Pourtant, quelque chose me tourmente et je n’arrête pas de repenser à cet épisode final. La désagréable impression d’en avoir vu plus pendant ses cinq dernières minutes que pendant les heures qui ont précédé. Il faut dire qu’en quelques instants la série nous balance à la figure tout ce qu’elle trouve à proximité. Des confrontations en pagaille, des changements radicaux de la psychologie de personnages, de leurs relations, en passant par des séparations brutales ou des révélations peu renversantes. On réalise que pendant 9 épisodes, les évolutions sont inexistantes et la situation initiale reste la même.
Et c’est bien dommage, car la fracture entre les deux mondes (celui des humains et des sorciers-ères) dans lesquels évolue Sabrina est plutôt bien exploitée. Les amourettes, épopées et relations de l’apprentie sorcière sont intéressantes et accompagnées par un casting attachant… quand il n’est pas horripilant.
Sur le fond, la série se permet même d’aborder la non-binarité, la religion ou encore l’abus de pouvoir. Des questions singulières qui, malheureusement, sont survolées de manière superficielle et anecdotique.
Satan, bénit les cliffhangers
Si je me suis laissé emporter pendant une dizaine d’heures, c’est aussi grâce à cette invention du diable que sont les cliffhangers. Ils ne sont pas présents à chaque fin, mais ils sont maîtrisés et ont eu raison de moi. Et ce, même lorsqu’il ne s’était rien passé durant l’heure précédente.
Si je confesse à posteriori m’être fermement ennuyé, il serait malhonnête de dire que je n’ai pris aucun plaisir à voir les personnages évoluer (physiquement, pas psychologiquement, on l’aura compris), dans un monde aux règles inversées. Le traitement de la religion satanique et la foule de détails qui l’accompagne, dans les dialogues ou les décors de carton-pâte, sont intrigants et suscitent un intérêt constant.
Dans cette ambiance paradoxalement assez légère, certains plans sont vraiment beaux et harmonieux (l’arbre aux sorcières, la scène de la pomme, les limbes). Dommage que l’on puisse les compter sur les doigts d’une main. La plupart du temps, on se contente d’un banal flou sur les bords du cadre. Un effet de style qui amuse quelques instants, pour rapidement ne plus avoir aucune utilité, devenant même irritant.
Alors qu’une seconde saison a déjà été confirmée, reste à savoir si je serais prêt à m’y plonger en ayant à l’esprit les lignes que je viens d’écrire.
Note finale : Une pelote de laine, deux sabots et quatre bougies / 20
Retour début 2021, alors que j’édite mon ancien papier pour cette newsletter. On constate que je ne suis pas seulement fait avoir une deuxième fois, mais bien une troisième puis une quatrième. Avec le temps qui passe entre chaque saison et les centaines d’épisodes d’autres séries regardé, j’oublie. Le schéma se répète et je me laisse prendre au jeu. N’attendez rien de bouleversant de ces trois suites, mais quelques menus changements sont au programme… De quoi rendre l’ennui plus supportable.
Maintenant, trois recommandations supplémentaires. En mentionnant le mot sorcières, je ne pouvais pas passer sous silence une œuvre aux défauts bien différents, mais qui a le mérite d’aller au bout d’une vision et de tenter beaucoup plus de choses que ne le fait Les Nouvelles Aventures de Sabrina.
Lords of Salem de Rob Zombie c’est une expérience singulière, divergente et certes bancale mais qui, elle, ne dure qu’une heure quarante.
Parce qu’on peut aussi recommander ses propres créations : avec deux amies et collègues journalistes de mon Master, nous avions lancé un podcast dédié aux séries, 2%, en référence à la meilleure oeuvre des années 2010. Une dizaine d’épisodes sont disponibles et le premier est justement consacré aux séries d’Halloween.
C’est à écouter par ici pour Apple Podcasts, là pour Spotify ou encore ici.
Joe Hill, comme son nom ne l’indique pas, est le fils de Stephen King. Écrivain lui aussi, il m’a traumatisé avec son premier roman Le Costume du Mort qui démontrait déjà une maturité certaine. Puis, il m’a happé dans L’Homme Feu, oeuvre post-apocalyptique de plus de 600 pages.
Mais c’est avec ses recueils de nouvelles, Fantômes, Le Carrousel Infernal, que tout son talent se révèle. De longueurs variables, dans des styles aussi différents qu’ils sont maîtrisés, ses histoires sont d’une telle puissance que s’en est presque rageant de voir autant de talent dans une seule personne. Il passe d’une époque à une autre, du thriller saupoudré d’humour noir à l’horreur la plus pure… il y a tout dans ses livres, et de grandes chances que vous y trouviez votre compte.
La plupart de ses écrits sont disponibles en poche chez J’ai Lu ou Le Livre de Poche, ou en broché chez JC Lattès. Pensez à privilégier vos libraires indépendants !
Rémy
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