Les Crimes du Futur du gîte de la Came-cruse
Comme toujours, du beau monde au rendez-vous aujourd'hui : des zombies, David Cronenberg et... un gîte ?!
Si vous êtes familier de l’horreur sur Internet, chance est que vous ayez déjà entendu parler des ARG (en français, jeu en réalité alternée, soit “un récit interactif en ligne qui met à profit le monde réel comme une plate-forme et utilise une narration transmédia pour livrer une histoire qui peut être modifiée par les idées ou les actions des joueurs”). Et si vous l’êtes, le nom de Came-cruse doit vous parler. Cas d’école de ce qu’il est possible de faire qui a déclenché une petite ferveur parmi les amateurs du genre.
Tout part de vidéos (sur Tiktok en particulier), d’influenceurs plus ou moins connus qui mentionnent un concours qu’ils auraient gagné pour passer des vacances en famille dans un gîte situé en pleine Gascogne. Du contenu comme on peut en voir partout, par centaines. Sauf que, peu après que les influenceurs soient arrivés sur place au gîte de la Came-Cruse, puis aient posté quelques vidéos, leurs comptes deviennent rapidement inactifs. Plus rien. Avec comme seules preuves de vie des contenus étranges postés cette fois sur les réseaux sociaux officiels du fameux gîte, où les invités paraissent mal à l’aise, voire menacés. Comme s’ils étaient dans l’obligation de participer à ces vidéos promotionnelles. On peut légitimement commencer à s'inquiéter.
Plus mystérieux encore, comme s’en sont rendu compte certains youtubeurs ou créateurs spécialisés (Feldup par exemple), des traces incompréhensibles semblent disséminées sur le site officiel (je vous laisse y naviguer par vous-même, toutes sont assez faciles à trouver). Boucle audio de personnes appelant à l’aide, codes ou messages cryptés, pages renvoyant à des erreurs 404…
De plus, en se penchant sur les comptes Tiktok des invités du gîte, on peut découvrir de nouveaux faisceaux d’indices (dates de créations des comptes, contenus similaires postés…) qui permettent de réaliser que, définitivement, le tout n’est qu’un vaste jeu et une mise en scène (même si de “vrais” influenceurs ont aussi été contactés, par opposition aux acteurs/faux tiktokeurs, poussant le réalisme jusqu’au bout).
Problème : sa popularité étant telle (et la création si habile et poussée, on pouvait même apercevoir des affiches faisant la promotion du gîte de la Camecruse dans les rues de Paris), certaines personnes n’auraient que très peu goûté à la “supercherie” allant, apparemment, jusqu’à déposer plainte. Si ce dernier point est à prendre avec des pincettes (j’avoue ne pas avoir poussé jusqu’à contacter le procureur de Paris à ce propos), ce qui est sûr, c’est que l’inquiétude sur les réseaux sociaux était elle bien réelle… et légitime.
Tout aussi intéressant : c’est l’annonce puis la mise en ligne, par la plateforme de streaming dédié aux films d’horreur Shadowz, d’un film inédit s’intégrant parfaitement dans le lore créé pour ce jeu en réalité alternée : Cama-Cruso. Un long-métrage en found footage comme on les aime, qui trouve aussi bien sa place au sein de l’ARG pour ceux qui auraient suivi l’affaire depuis le début, il y a un an, qu’une porte d’entrée pour les nouveaux venus. Un vrai projet trans-média foisonnant, qui bouleverse les codes du genre jusqu’à brouiller les pistes et les frontières entre réalité et fiction. Et pour aller encore plus moins et tout savoir sur les coulisses, un gros making-of de plus d’une heure est disponible gratuitement sur la chaîne youtube de Shadowz.
Sous le papier cadeau, les zombies
Je ne trouverais probablement pas les mots justes pour décrire la douceur d’Anna et l’Apocalypse. Au delà de la proposition plus que surprenante (une comédie musicale de Noël avec des zombies, ce qui fonctionne parfaitement au delà de l’absurdité initale), le film transpire la sincérité et la bienveillance. Loin d’être anecdotiques, les moments musicaux s’intègrent à merveille à l’ensemble en transmettant une vraie énergie. J’ai une tendresse infinie pour ce film qui, oui, n’empêche peut-être de voir certains défauts mais je sais que si j’ai envie d’être rassuré, revigoré, c’est le film qu’il me faut…
Monsieur Cronenberg ? Chambre 25
Le retour du maître, de notre père à tous. Chaque nouveau film de David Cronenberg est un petit événement (d’autant plus lorsqu’il signifie un retour aux sources du body horror), alors quand celui-ci rassemble en plus Léa Seydoux, Kristen Stewart, Viggo Mortensen… on peut dire que Les Crimes du Futur est déjà parfait. Si on l’exclut l’apparente passion de son créateur pour les NFTs. On ne peut pas le détester longtemps, immense cinéaste qu’il est, par contre ça fait un mauvais point David, au bout de 3 c’est au coin.
“La chirurgie, c’est le nouveau sexe”. Pour voir ce que laisse transparaître cet étrange prémice, ne reste plus qu’à attendre la sortie prévue après la présentation du film à Cannes (hier soir, si vous lisez cette newsletter le jour de son envoi), le 25 mai (oui, oui, c’est demain). Mon corps est prêt, ma place de ciné aussi.
Activités trop normales
J’ai arrêté de compter depuis bien longtemps, mais voilà que Paranormal Activity fait son retour, encore une fois, avec Next of Kin, qui avait été présenté en clôture du festival du film fantastique de Gérardmer en février dernier (où le jury avait sacré l’excellent Egō, malheureusement sorti dans bien trop peu de salles, que j’avais eu la chance de voir là-bas). On ne s’embarrasse même plus d’une sortie en salle, maintenant hop, c’est VOD directement.
Cela fait déjà un moment que la saga joue la facilité, forte de son succès et de sa capacité à ramasser un gros tas de pognon quelle que soit la qualité de ses opus. Résultat Next of Kin est plus qu’évident, parsemé de bonnes intentions mais laborieux.
En face de nous, se déroule une quête d'identité un peu terne dans des décors enneigés qui coupent nos persos du monde. C’est joli, ça pourrait même être une bonne idée, mais le tout mène à certaines situations invraisemblables, avec des décisions prises uniquement pour faire avancer l'histoire. Les scènes angoissantes sont perdues dans un mélange insipide, entre des scènes d'exposition dont on se fout et des développements inspirés... à l'occasion. Le tout agrémenté de jump scares, une technique maintenant utilisée à outrance qui certes va faire son petit effet à coup sûr, mais devient tellement convenue. Surprise cependant, la caméra au poing de Next of Kin accouche parfois de séquences absurdement bien filmées. Quand on n’atteint pas la limite du genre, avec des personnages qui gardent leur caméra allumée lors de moments peu opportuns et/ou alors qu’ils n'ont aucun intérêt à le faire dans l’instant. C’est parfois bien justifié (je pense au Diary of the Dead de Romero), pas là.
On n’aura pas vraiment de gros démon à se mettre sous la dent, pourtant le dernier acte est plutôt efficace. Sauf qu’il est trop court pour être salutaire. Reste donc un film d'épouvante affreusement… banal.
Affamés ? Fallait manger
J’ai aussi retrouvé mes notes sur un film… sans avoir noté ni le titre ni la date de visionnage. Bon j’ai cherché un peu, pas longtemps, j’ai compris, et j’ai remis mes souvenirs en place sur Affamés. Alors que je m'attendais à un petit truc d'horreur vite oubliable, comme il en sort des dizaines par année, j'ai été choqué. Choqué par des scènes gore, dérangeantes et snglantes, mais superbement mises en scène, par ce décor de petite ville rurale post-industrielle, rouillée, pluvieuse, abandonnée, nichée dans les montagnes.
Surpris surtout par une profondeur insoupçonnée. Traumatismes d'enfance et d'adulte, pauvreté, difficultés à vivre au quotidien, abus, relations familiales toxiques (ou non)... L'écriture des personnages est on ne peut plus juste et fascinante, permettant de donner une autre dimension, bien au-delà de la simple mythologie du film "de monstres".
C’est classe non ? C’est Français
Aparté de dernière minute : au moment de boucler cette newsletter, qui aura une fois de plus mis des MOIS à être finalisée, je sors d’une séance de Coupez ! le dernier film de Michel Hazanavicius, présenté en soirée d’ouverture à Cannes. Un film de zombies au casting savoureux (Romain Duris, Bérénice Béjo, Jean-Pascal Zadi, Matilda Lutz, Sébastien Chassagne, Finnegan Oldfield…) et un peu particulier, remake de l’excellent film japonais Ne coupez pas !. Entre prises de liberté et respect du matériel original, c’est une superbe pioche divertissante et jubilatoire. Difficile d’en dire plus sans gâcher la flopée de petites surprises. La salle a vraiment ri de bon cœur, ce que je n’avais pas vu depuis… un bon moment !
C’est une nouvelle fois tout pour aujourd’hui. Si vous voulez voir mon tweet mensuel vous pouvez venir ici, ou encore mieux vous abonner à cette Newsletter ! Merci d’avoir lu.
Rémy