En 1997, je fête mes 1 ans. Autant dire que je ne suis pas vraiment prêt à regarder Buffy contre les vampires. En 2008, à 12 ans ? Non plus. Et pas davantage à 16 ou 18 ans. Il faut attendre 2020, et 23 années passées, pour que je prenne enfin mes responsabilités. Je me plante devant mon ordi et me connecte au site de streaming possédé par une multinationale dont le patron est chauve. Le générique se lance, c'est là que tout commence.
Sur le papier, Buffy contre les vampires a tout pour plaire. Si bien que deux dizaines d'années après sa sortie, elle reste encore une référence culte. Mais découvrir la série aujourd’hui, n'est-ce pas l’assurance d'être déçu ? Peut-on l'apprécier, même si elle n'a pas bercée notre enfance, sans que son visionnage nous rappelle de doux souvenirs ?
La partie est loin d'être gagnée d'avance. Pour qui est habitué des dernières sorties, ou à regarder des séries majoritairement issues des dix dernières années, les premiers épisodes font sourire. Ils reposent sur des scénarios assez simples et on voit souvent les retournements de situation venir à plusieurs kilomètres. L'écriture n'est clairement pas la même qu’aujourd’hui. Ce qui n'est pas un réel défaut en soi, mais demande un léger temps d’adaptation. Un délai nécessaire aussi pour s’accommoder du jeu des acteurs et des actrices, qui frôle parfois la limite du cabotinage. Mais est-ce un peu mal si tout le monde prend tant au sérieux son rôle ?
Par ailleurs, pour combattre des vampires, il faut du conflit, de l'action. L'occasion de remarquer que les chorégraphies et le montage manquent de dynamisme, tout comme la mise en scène, sobre et légère, qui tranche de temps à autres avec la gravité des événements. A l’inverse, certaines réactions sont, elles, un peu disproportionnées. Quant aux décors et à la direction artistique des premières saisons, même s’il faut leur reconnaître un certain cachet, on ne peut s'empêcher de sourire face à des ambiances au goût douteux ou à des accessoires qu'on pourrait croire sortis tout droit d'un magasin C'est deux euros.
Girls just want to have fun
Mais attendez, prenons un peu de recul. Car malgré tous ses défauts (d'autant plus visibles avec un regard moderne), une fois habitués à sa plastique un peu datée et la série remise dans le contexte de son époque, on prend un plaisir immense. Ses qualités sont impressionnantes. Les scénarios sont funs, chaque épisode apporte son lot d’originalités, et la galerie de monstres est très diversifiée, ce qui empêche la série de tourner en rond, et nous, de nous ennuyer. Vous pensiez que les vampires étaient la seule menace que devrons affronter nos héros ? Il n’en est rien !
Si les personnages principaux sont attachants, j'en veux pour preuve l'entrée au Panthéon du culte de Wyllow ou Spike, c'est toute la vaste galerie de protagonistes que l'on nous offre ici qui mérite notre attention. Chacun à une personnalité propre, et on a sincèrement envie de voir comment évoluent leurs relations, avec une implication de chaque instant. Surtout, la série ne prend pas ses personnages pour des ados sans cervelle, des clichés sur pattes, ou les spectateurs pour des idiots. Les vampires ne sont qu'un prétexte pour mettre en scène le quotidien de Buffy, tout aussi important que ses activités nocturnes. Sa vie lycéenne est servie par d'excellents dialogues, pertinents et malins, avec une dose d’humour subtilement intégrée. Les répliques font mouche et sentent bon l’innocence des années 90. Par dessus-tout, la série parvient à mêler judicieusement ces séquences et le fantastique.
Même s'il est vrai que Buffy contre les vampires ne s'embarrasse pas d’explications : tout le monde accepte plutôt facilement l'existence des vampires ou des zombies. La vie paraît plus simple, et la série préfère accepter comme elles viennent les règles absurdes et changeantes auxquelles obéit ce monde, plutôt que passer son temps à nous les expliquer ou à les justifier. Et c'est tant mieux. Car si les personnages croient aux événements qui surviennent à Sunnydale, s'ils ont l'air aussi investis à vouloir tout faire pour stopper l'invasion de vampires (plutôt qu'appeler les autorités compétentes, à tout hasard), alors on l’est nous aussi. Debout sur notre canapé, on voudrait presque leur crier à travers notre écran : "faites ce que vous pouvez, battez-vous, on est derrière vous !".
Malgré toutes ces qualités qui peuvent s'apprécier quelque soit l'époque, je ne pense pas que l'on puisse qualifier Buffy de série intemporelle. Elle reste évidemment très ancrée dans son temps. Certains costumes, références culturelles, dialogues ou situations semblent désuets et sont parfois amusants à voir aujourd’hui. Mais si on rit parfois de la série, c'est plus pour son esthétique que pour son essence. Jamais on ne s'en moque car elle sait se prendre au sérieux quand il le faut, ou tourner à la dérision quand c’est nécessaire. La clause de notre contrat en tant que spectateurs de fantastique se résume à pas grand chose : on demande à la série qu'elle soit vraie. Pour que pendant quelques instants, laissant notre rationalité de côté, on y croit, tout simplement. Et c'est ce que Buffy contre les vampires fait de mieux. De saisons en saisons, on a l'impression de connaître et découvrir constamment de nouvelles facettes de ce microcosme. Cette adolescence à Sunnydale, que l'on vit par procuration, en fin de compte on aurait presque envie que ce soit la nôtre.… les vampires en moins.
Rémy
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